Julie Gagnon

BFA (Spécialisation, Education artistique)

Avis: Prof en art nouvellement diplômé cherche emplois

2011

Comme tous, l’été fut à la fois une délivrance et une torture. J’avais obtenu mon diplôme et mon brevet, mais je n’avais aucun emploi certain pour septembre.

Ma récente graduation en enseignement des arts a fait de moi une nouvelle enseignante en arts visuels. (Jeune «art educator» ne despérez-pas, c’est possible!) Par le fait même, ma vie, mais surtout ma vision, a grandement changé. Ce court article est, pour moi, l’occasion de répondre à plusieurs questionnements/appréhensions que j’avais moi-même lors de mon bac mais aussi de présenter subtilement ma vision des préceptes de Reggio Emilia et leur rôle dans ma classe au secondaire. Pour ce faire, j’aurai l’occasion de faire un survol de mon parcours et, plus intéressant encore (selon moi), je partagerai aussi ma vision, maintenant différente, de ma classe et des arts.

Mon Parcours

Je me suis inscrite au bac en éducation des arts de Concordia en 2007 à la suite d’un premier bac en histoire de l’art. À l’origine je voulais devenir restauratrice de tableau, mais au cours de ma dernière session en histoire de l’art, j’ai eu la chance de faire un stage dans une école secondaire afin de créer une exposition avec les élèves. Au cours de ce stage, les élèves ont, pour ainsi dire, fait le choix pour moi. Ils ont insisté sur le fait que je pourrais être une super prof, et peu à peu je les ai cru. À peu près en même temps, j’ai commencé à faire de la suppléance dans cette même école, ce que j’ai continué de faire tout au long de mon deuxième bac. Miraculeusement, au cours de ma deuxième année, la commission scolaire de Laval m’a contacté pour un contrat à 100% sur une période de 2 mois. Je dis ici « miraculeusement » parce que je ne sais toujours pas où ils ont eu mon numéro de téléphone. Néanmoins, soit par chance ou par manque flagrant d’enseignants en arts, j’obtenu le contrat. Jeune et innocente, je me lançai, sans expérience, dans la tâche franchement ingrate de produire suffisamment de matériel afin de pouvoir évaluer les élèves pour les bulletins de fin d’année, et ce, dans une classe sans matériel (pas même une feuille de papier) et qui n’avait pas vu d’enseignant depuis plus de 2 mois. Par chance, ma voisine de porte, aussi prof en art, une grande sage, m’a prise sous son aile et m’a tout appris. Je lui dois ma survie mais aussi une grande amitié. Sans ce mentor, je ne serais pas là. J’ai fait mes stages tout en continuant d’obtenir des remplacements à court et moyen termes, jusqu’à la fin de mon bac. Tout de suite à la fin de mon dernier stage, le lendemain de mon dernier jour de classe, je commençais un remplacement dans une école primaire du English Montreal School Board. Comme tous, l’été fut à la fois une délivrance et une torture. J’avais obtenu mon diplôme et mon brevet, mais je n’avais aucun emploi certain pour septembre. Puis,  à la fin  août, comme je m’apprêtais à partir distribuer des C.V. dans les écoles qui m’intéressait, je reçu un appel de l’école où j’avais fait mes derniers stages. Ils me voulaient en remplacement d’une enseignante en français et en histoire pour un mois. Super! Mais après? Grace à des contacts, j’ai pu savoir que certaines écoles engageaient et je fis plusieurs appels à leurs directeurs, affirmant savoir qu’ils avaient des postes en arts à combler, ce qui m’a permis d’avoir une entrevue lors de ma dernière semaine de remplacement. J’ai dû prendre congé pour me rendre à cette entrevue et même faire de la vitesse afin d’arriver à temps. Puis, le directeur m’a fait attendre durant 20 minutes. Ce fut la pire entrevue de ma vie. Je me suis sentie comme si je ne savais rien. Par chance, j’avais mon portfolio de leçons avec moi et il a fallu que j’insiste pour qu’il le regarde, mais quelques heures plus tard, je recevais un téléphone m’annonçant qu’ils attendaient la fin de mon contrat, pour commencer à enseigner chez eux, dans une autre commission scolaire. Maintenant j’ai un contrat à 50 % en arts plastiques avec des groupes de jeunes de secondaire 3, 4 et 5 en adaptation scolaire et j’adore l’expérience. Ça n’a pas été facile, les premières semaines furent ardues. J’ai dû combattre l’agressivité des élèves, leur démotivation, mais surtout leur pauvre vision de l’art dans un milieu qui a pour mission principale de permettre aux élèves l’obtention des crédits nécessaires à l’entrée au DEC.

Ma vision

J’ai fait mes stages dans une école où tout était facile, aucune discipline n’était nécessaire. Mais, bien que je le sache déjà, c’était loin, et même très loin, d’être la vraie vie. La vraie vie d’un prof en art est de faire des pieds et des mains pour avoir un emploi. C’est aussi de ne pas avoir de matériel et/ou très peu de budget. C’est se battre contre le pessimisme des élèves, autant dans votre choix de leçon («c’est jamais assez cool») que contre leurs attitudes («ils sont toujours poches»). Là où ma vision à grandement changé, c’est dans l’application des principes de la philosophie de Reggio Emilia, soit de respect, de communauté et d’exploration en art autant par l’environnement et les matériaux, que par l’étudiant lui-même et ses intérêts (Dubois, 2010, Gandini, 1993).  Sans ces principes, ma foi, fondamentaux, l’art ne serait pas dans ma classe. Il m’aura fallu quelques semaines pour comprendre que si mes étudiants n’avaient pas confiance en moi, ils ne feraient rien de bon. Dès l’instant où le respect s’est établi de part et d’autre, l’atmosphère s’est modifiée. Évidemment, maintenir cet environnement propice à l’apprentissage est une bataille de tous les jours, ce qui fait que les découvertes des élèves sont cent fois différentes et tout autant étonnantes. Oui, c’est possible, mais vous devez aussi participer à ce succès. Vous devez avoir votre portfolio, vous devez faire des appels afin d’obtenir des entrevues et vous devez vous plier aux horaires des directions d’écoles. Vous devez tout autant créer des leçons qui étonnent que maintenir une bonne ambiance dans votre classe. Vous devez fournir des matériaux attrayants tout en respectant votre budget. Et, par dessus tout, vous devez toujours vous battre. Par contre, vous vous rendrez vite compte que le jeu en vaut la chandelle.  L’enseignement est pour moi le plus beau métier du monde.

Références

Dubois, E.  (2010). La pédagogie de Reggio Emilia. Article présenté au Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Université de Genève, septembre 2010, disponible en ligne:  https://plone2.unige.ch/aref2010/communications-orales/premiers-auteurs-en-d/La%20pedagogie%20de%20Reggio%20Emilia.pdf

Gandini, L. (1993). Fundamentals of the Reggio Emilia to early childhood education. Young Children, 49 (1), p 4-8, Récupéré du site ERIC Database: www.eric.ed.gov. (EJ 474815)