Julie Gagnon

4th year, Art Education Specialization

La créativité

Mais, qu’est-ce que la créativité? Si, au départ, cette recherche avait pour but de comparer les théories du développement de la créativité, elle se dirige maintenant vers un survol des visions que les auteurs ont de ce domaine.

Peu importe à qui vous le demandez, tous vous dirons que la créativité est une valeur importante pour notre société. Si vous demandez à un groupe d’enseignants en art, ils vous diront sans doute que c’est le concept le plus primordial de tous. Toutefois, demandez-leur de définir ce concept et voilà que chacun aura une interprétation différente de la chose. Le domaine de la créativité fut fortement étudié au cours des dernières décennies. Lors des années 80 plusieurs universités offraient encore des cours pour comprendre la créativité et voilà qu’en 2008 les quelques études qui traitent du sujet restent vagues et imprécises. Mais, qu’est-ce que la créativité? Si, au départ, cette recherche avait pour but de comparer les théories du développement de la créativité, elle se dirige maintenant vers un survol des visions que les auteurs ont de ce domaine. En premier lieu, elle effleurera les diverses définitions du terme, puis elle se dirigera vers un questionnement sur l’intelligence et quelques brèves explications de son utilité en enseignement et plus particulièrement en art, en abordant la question du développement de la créativité chez l’enfant.

Qu’est-ce que la créativité?

Déjà, en 1996 l’auteure Eleni Mellou déplorait l’imprécision entourant le terme de créativité. De son coté, le spécialiste en management et créativité Hubert Jaoui nous disait en 1975, que le mot créativité était plutôt récent même si la notion cachée derrière celui-ci est « ancienne et inhérente à la condition humaine » (2005, p.12). Selon Jaoui, le mot créativité semblait familier, car l’ajout de la désinence « ité » au mot créatif fait résonnance à d’autres mots comme par exemple : Le mot productivité (p. 12). Il faut dès c’est instant, établir une distinction entre l’imagination, la créativité et la création. Cette dernière est l’acte de créer. Pour Jaoui c’est « un acte divin » puisque c’est « faire à partir de rien » dans le sens de produire quelque chose (p.36). L’objet créé se voit (De Villers, 2003), par opposition à la créativité qui est souvent perçue comme une pensée ou la production d’une idée. Selon le Multidictionnaire de la langue française, la créativité serait la faculté d’invention et la capacité d’imagination de quelqu’un (De Villers, 2003). L’imagination est définie par Jaoui comme « la faculté qu’à l’esprit de produire des images » (p. 15). Si la créativité est une faculté d’invention et d’imagination alors, comment un enseignant peut-il évaluer celle-ci ? N’est-elle pas invisible? Le texte du professeur en éducation Howard Gibson est en fait une critique de ce qu’il appelle un « ill-defined term », en autres mots, un terme vide de sens (2005, p.153). Selon lui, le terme créativité peut être utilisé comme une métaphore de l’effervescence individuelle connu dans les sociétés dont l’évolution économique est importante et rapide ou encore comme synonyme de bien-être personnel (2005). Pour le professeur Herbert Gutman, la créativité est un comportement qui a pour nature même d’être spontané, interne, et ne peut être obtenu selon la volonté du sujet. Il dit aussi que l’étude du comportement créatif s’est restrainte à trois aspects : son côté phénoménologique, la production de la pensée (résolution de problèmes) et la composition des traits caractéristiques de la créativité. Le même auteur définit le comportement créatif comme n’importe quelle activité durant laquelle l’homme impose un nouvel ordre à son environnement (cité dans Mooney et Razik, 1967). Pour Jaoui, la créativité est un moyen de contrôler, d’orienter et de gérer le changement. Selon lui, la créativité est présente chez tous les hommes, puisque tous ont la capacité ou l’aptitude de créer (Jaoui, 1975). Beaucoup croient encore que la créativité est un moyen d’expression personnelle ou un moyen de comprendre ou encore de copier le monde extérieur. Il s’agirait d’un lien avec la dignité et l’expression personnelle, un moyen d’individualiser une personne et de faire d’elle un être unique qui vie sa propre vie (Cropley, 2006). La créativité définie aussi les méthodes et techniques qui stimule la création (Jaoui, 1975). Bien que la créativité soit souvent associée au milieu artistique, elle est aussi applicable hors du milieu de l’art. Le philosophe Jean-Paul Sartre dit que: « La pensée scientifique, toute préoccupée de se fondre avec la logique pure, élimine autant que possible l’imagination au profit de l’analyse » (cite dans Jaoui, 1975, p.22). Ainsi, la créativité produit souvent une création, et cette création peut être applicable à presque tous les domaines que ce soit art visuel, musique, architecture, gestion, finance et même en science, même si la méthode scientifique essaie de l’éliminer. Il va sans dire que n’importe quel scientifique se doit d’avoir de la créativité afin de faire des recherches différentes de celles de ses collègues. Jaoui nous dit qu’il n’y a pas de véritable différence entre inventer, découvrir et créer. Selon lui, la différence se retrouve principalement dans l’habitude du langage (1975). L’experte en sciences cognitives Margaret A. Boden supporte cette vision des choses en affirmant que: « …scientific discovery (and artistic creativity too) cannot be predicted » (1994, p.3).

Une Intelligence?

Si l’on considérait que la créativité se trouve dans tout, pourrait-on la considérer comme étant une intelligence? Le théoriste de l’éducation Howard Gardner s’est penché sur le sujet au cours de plusieurs essais. Comme mentionné plus tôt, puisque la créativité se retrouve dans n’importe quel domaine, celle-ci intègre les neuf différentes intelligences mentionnées par Gardner: l’intelligence logicomathématique, l’intelligence spatiale, l’intelligence interpersonnelle, l’intelligence corporelle kinesthésique, l’intelligence verbo-linguistique, l’intelligence intra personnelle, l’intelligence musicale rythmique, l’intelligence naturaliste, l’intelligence existentielle (Gardner, 2003). Dans son texte «Revisiting Vygotsky and Gardner: Realizing human potential », professeure de langue et littérature Ninah Beliavsky interprète les dires de Gardner en affirmant que s’il n’y a aucune opportunité culturelle, l’intelligence ne peut se réaliser. Ainsi elle donne comme exemple Beethoven, qui sans le contexte musical précis de l’époque, n’aurait pas pu créer les oeuvres qui l’ont rendu célèbre (Beliasky, 2006).

Applications en enseignement

La découverte des intelligences multiples de Gardner est très importante en enseignement puisque celles-ci permet aux enseignants de mieux comprendre les différentes façons de comprendre et d’apprendre. Beliavsky affirme que la combinaison des théories des psychologues Lev Vygotsky et Howard Gardner permettent aux étudiants d’arriver à un niveau de développement cognitif plus élevé. Selon cette même auteure, Vygotsky était le précurseur de Gardner en croyant qu’un enfant doit être exposé à une multitude d’outils intellectuels et cognitifs tel que les langues, les mathématiques, la musique et l’art et que pour qu’un étudiant apprenne, l’enseignant doit adapter son enseignement à l’étudiant en lui permettant de rester dans le haut de sa zone de développement proximal. Ainsi, deux étudiants avec le même âge de développement mental peuvent avoir une performance équivalente lors d’un travail individuel, mais lorsqu’un adulte accompagne l’un d’entre eux, celui-ci peut offrir une meilleure performance que l’autre (Beliavsky, 2006). Selon la professeure à l’université de Sao Paulo, Institut de psychologie Marisa Takatori, dans le texte, «The implications of Winnicott’s theory of play for the work of occupational therapy’s observation with children with physical disabilities», le jeu apporte une dimension créative à l’enfant en établissant un lien entre l’imaginaire et la réalité externe. L’auteur dit que le pédiatre, psychiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott croit que le développement de l’enfant passe par deux facteurs; personnel et environnemental. Ainsi, selon lui, la créativité dont un jeune fait preuve à l’école passe en fait par le développement de l’imaginaire de celui-ci. Il est dit que : «Living creatively is only possible for a child based on experience of being-able to re-create the world and this, in turn, depends on the presence of another human being, at the exact moment of creation, who is careful to present him/her with fragments of the world in gradually increasing dose » (Takatori, 2007, p. 55). Autrement dit par Winnicott, les expériences de vie sont vraiment importantes dans la formation de la créativité de quelqu’un. Si l’on suit la leçon de Winnicott, l’enseignant se doit d’intégrer la créativité à l’environnement de l’enfant lors du processus d’apprentissage, mais aussi au produit de cet l’apprentissage. Pour ce faire nous devons vraiment avoir une définition concrète de la créativité en enseignement (Reid, 2004). Assumons que la créativité est une caractéristique mais, aussi un processus. Selon Reid, en tant qu’enseignant, nous devons porter attention à deux qualités: Le processus se doit d’être unique et mis en valeur (Reid, 2004,p.52). En conclusion, si plus de 50 ans d’études n’ont pas encore permis d’obtenir une définition concrète de la créativité, je ne crois pas pouvoir non plus définir ce qu’est la créativité dans cet essai. De toute évidence, je considère la créativité comme étant un sujet difficile à comprendre. Il faudra encore plusieurs études et de la recherche afin d’en savoir plus. Je crois aussi que plusieurs de ses secrets ne seront jamais livrés. Par contre, je crois pouvoir affirmer que le concept de la créativité dans le milieu scolaire se doit d’être assimilé autant par l’enseignant que par l’étudiant. Ainsi, l’adulte doit trouver une façon créative de transmettre l’opportunité aux étudiants de s’épanouir. Il doit aussi s’ouvrir ou accepter différents moyens d’expression de l’étudiant lors de remise de travaux. Si l’enseignant peut assimiler les principes de diverses théories de psychologie de l’enseignement, tel que la zone de développement proximal de Vygotsky, les multiples intelligences de Gardner, et l’importance de l’environnement de Winnicott, il pourra permettre le développement cognitif de chaque étudiant, ainsi chacun ira au bout de son potentiel intérieur. Il est vrai que ceci peut ressembler à une utopie mais, n’est-ce pas pour améliorer les connaissances des enseignements que les programmes universitaires ne cessent de s’allonger et d’en exiger toujours plus? Finalement, si je crois que la créativité ne s’apprend pas, je suis, par contre, certaine qu’elle se développe. Il va sans dire que pour un enseignant, le fait d’avoir des attentes au niveau de la créativité de ses étudiants permet de progresser mais aussi d’évaluer l’apprentissage des étudiants. Toutefois, pour ce faire, l’enseignant doit établir concrètement ses attentes à ce niveau. Ainsi, si un enseignant en art veut évaluer la créativité de ses étudiants il doit définir des critères plus précis que de simplement exiger la «créativité» tel que l’utilisation de la couleur ou encore des formes ou des symboles. La même chose s’applique pour une matière telle que les mathématiques où la méthode est plus importante que la réponse. Après tout, il peut bien y avoir plusieurs diverses façons d’obtenir une réponse.

Références

Beliavsky, N. (2006). Revisiting Vygotsky and Gardner: Realizing human potential. The Journal of Aesthetic Education, 40(2), p.1-11. Récupéré du site ERIC Database: www.eric.ed.gov. (EJ750795).

Boden, M. A. (1994). Dimensions of creativity. Cambridge, Mass.: MIT Press. Cropley, A. (2006). Creativity: A social approach. Roeper Review, 28(3), p.125-130, Récupéré du site Academic Search Premier database: http://search.ebscohost.com.

De Villers, M.-É. (2003). Multidictionnaire de la langue française, 4e édition, Montréal, QC: Québec Amérique.

Gardner, H. (2003). Multiple intelligences after twenty years. Article présenté à la rencontre annuelle de l’Association américaine de la recherche en éducation, tenue à Chicago, Illinois, le 21 avril, (p. 1-15).

Gardner, H. (1973). The arts and human development: A psychological study of the artistic process. New York: Wiley.

Gibson, H. (2005). What creativity isn’t: The presumptions of instrumental and individual justification for creativity in education. British Journal of Educational Studies, 53(2), p.148-16. Récupéré du site ERIC Database: www.eric.ed.gov. (EJ685177).

Jaoui, H. (1975). La créativité. Paris: Seghers.

Mooney, R. & Razik, T. (1967). Explorations in creativity. New York: Harper and Row Publishers.

Reid, A., & Petocz, P. (2004) Learning domains and the process of creativity. Australian Educational Researcher, 31(2), p.45-62. Récupéré du site ERIC Database: www.eric.ed.gov. (EJ689639)

Reinders, S. (1992). The experience of artistic creativity: A phenomenological psychological analysis. Ann Arbor, MI: University Microfilm International.

Spitz, E. H. (2006). The child’s creation of a pictorial world. The Journal of Aesthetic Education, 40(1), p.120-122.

Takatori, M., & Bomtempo, E. (2007). The implications of Winnicott’s theory of play for the work of occupational therapy’s observation with children with physical disabilities. European Journal of Special Needs Education, 22(1), p.47-61. Récupéré du site ERIC Database: www.eric.ed.gov. (EJ764251).

Wickes, K., & Ward, T (2006). Measuring gifted adolescents’ implicit theories of creativity. Roeper Review, 28(3), 131-139. Récupéré du site Academic Search Premier database: http://search.ebscohost.com.